Depuis plusieurs semaines, j'ai une nouvelle addiction: la pâte de coing. Souvenirs d'enfance qui se sont éveillés (ma grand mère paternelle en faisait)… ou tout simplement gourmandise à l'état pur… en tout cas, une chose est sûre: j'en rêverais presque la nuit…
J'en ai d'abord trouvé au marché auprès d'un vendeur de produits portugais, et même si j'ai constaté après coup que cette pâte renfermait deux conservateurs pas top du tout, j'ai tout englouti. Puis j'en ai déniché, faite maison, au marché de Bandol, lors d'une virée dans le sud. Cette pâte n'a pas trainé longtemps. J'en ai encore trouvé (à ce moment ma quête était devenue quasi- obsessionnelle), made in Spain chez un… marchand de fromage, à la coupe… sans étiquette…
Je me promettais bien d'en fabriquer, encore fallait-il arriver à dénicher une matière première correcte. Bingo: lors de mes vacances en Bretagne, à deux reprises, j'ai enfin découvert de magnifiques fruits, que je n'ai même pas pensé à photographier, crus, avant leur métamorphose. Les premiers que j'ai achetés, gros et bosselés, avaient de légers reflets roses sur une peau plutôt jaune. En les ouvrant (quasiment au marteau piqueur… le coing est un coriace, j'ai mis des gros bras à contribution), surprise: des rangées de gros pépins étaient sagement alignés les uns à côté des autres comme dans un petit berceau dédié à une famille nombreuse. Pour moi, c'était une première, le cœur des coings ressemblant plutôt à celui des pommes. D'ailleurs, mon deuxième achat, des fruits très jaunes, plus civilisés (et moins parfumés) affichait une anatomie plus ordinaire.
Le coing étant un très vieux fruit, (il y a des recettes médiévales, attribuées à Hildegarde de Bingen, à base de coing) assez peu commercialisé, je suis persuadée que de nombreuses espèces "de jardin" doivent encore couler une existence tranquille dans le plus parfait anonymat.
Je suis donc partie de 1,8kg de coings environ. Je les ai mis à cuire en morceaux, citronnés au fur et à mesure, et avec leur peau, dans deux litres d'eau. Les livres de cuisine indiquent en général un temps de cuisson de 35mn. Au bout d'un quart d'heure à peine, les morceaux s'écrasaient déjà. Un parfum incroyable s'est alors répandu dans la cuisine, très floral, presque capiteux. En revanche, la chair n'a pas viré au rose, elle est restée jaune ambré.
J'ai obtenu: -1,2kg de purée de coing (obtenue en passant les fruits à la moulinette à légumes grosses grille, puis grille moyenne) -et un peu plus de deux litres de jus de cuisson. De quoi faire à la fois de la pâte et de la gelée, en combinant, pour les recettes, des souvenirs, un peu d'inspiration et les excellents conseils de Christine Ferber, tirés de son livre, devenu un classique, Les confitures (Payot), que j'avais par chance sous la main.
Purée de coing en pleine cuisson
Pâte de coing parfumée au clou de girofle
1,2kg environ de purée de coing 1kg sucre cristal 1 demi cuillérée à café de clou de girofle moulu le jus d'un demi citron
J'ai juste délayé le tout dans une cocotte et mis à chauffer à feu moyen en tournant très régulièrement. J'ai écourté le temps de cuisson généralement recommandé (35mn). Je me suis laissée guider à l'odeur et à la consistance. Quand le stade d'une pâte un peu grumeleuse a été atteint, j'ai versé le tout sur du papier alu beurré posé sur un plat et un ravier (j'ai fait avec les moyens du bord), et j'ai laissé sécher avant de couper un gros rectangles, que je conserve précieusement emmaillotés, et rangés dans une boite de métal. La couleur est mirabelle- ambrée et non rose-rouge, et le moelleux incomparable. Un défaut: cette cagnotte inespérée file vite…
Pour un diner, j'avais réservé un peu de la pâte, mise à sécher dans un ravier, pour la servir en accompagnement d'une compote de pommes épicée et de tranches de cake citron-citron. Le point noir est un peu de pépin réduit en poudre… danger potentiel?
De retour à Paris, par curiosité, j'ai quand même regardé sur internet s'il y avait des recettes originales… et j'ai découvert alors qu'il ne faut pas écraser les pépins, car ils sont riches en cyanure (comme beaucoup de pépins de fruits d'ailleurs). Je sais très bien que lors de la confection de ma pâte, un certain nombre ont réussi à passer le barrage des deux grilles de la moulinette… aussi peut être que l'ivresse de déguster une tranche de pâte au petit déjeuner est-elle une griserie légèrement toxique…
Le jus de coing filtré attend sa métamorphose dans une soupière
Gelée de coings aux kumquats et aux épices
2 litres de jus de coing filtré 1,8kg sucre cristal le zeste finement haché de 2 kumquats frais un tronçon de gingembre frais râpé une demi cuillérée à café de cannelle en poudre une demi cuillérée à café de clou de girofle en poudre le jus d'un citron
Pour obtenir une gelée très translucide, Christine Ferber suggère de filtrer le jus puis de le laisser décanter une nuit, ce que j'ai fait. Elle conseille aussi de faire cuire 10mn à feu rapide, avant de vérifier si la gelée fait la nappe avant de redonner un bouillon. J'ai dû prolonger plus longtemps la cuisson (25mn environ au total) avant de juger, là aussi au nez et à la vue, que la gelée était prête.
Teinte rosée ambrée de la gelée…
Je l'ai versée dans des pots de verre stérilisés 10mn à l'eau bouillante, j'ai fermé tout de suite les bocaux que j'ai retournés. Le goût de cette gelée m'évoque pour sa note un peu acidulée, celui d'un bonbon anglais; le gingembre et les zestes de kumquat apportent ce qu'il faut de surprises au palais.
Liens
-Coings, pépins et cyanure, c'est ici -Une interview de Christine Ferber où elle classe la confiture de coings… parmi ses préférées
MiammiammiamLa gelée Princesse , je l'ai engloutie au chaud avec un bon livre et alors très égoîste revendiquée, je n'ai pas partagé , trop bonne, un délice d'épices de douceur, pas trop sucrée, le nectar des dieuxJe n'imaginais pas qu'un fruit avec une tête aussi ingrate puisse se révéler si délicat, tu es aussi une fée des chaudrons culinaires il convient de le direMerci de m'avoir fait goûter cette douceur au coeur de l'hiver, régression totale
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le coing a peut être une tête ingrate, mais son parfum est si incroyable qu'on l'aime quand même…<br />
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M
michele
27/01/2008 11:56
Il n'y a déjà plus de gelée!Tout le monde en a mangé et a aimé mais de différentes manières:- dans le fromage blanc pour le petit dernier- sur les crêpes à la farine de chataigne faites par l'ainé qui est peut-être le plus amateur- sur des "cracottes" pour le second- sur des tartines grillées et beurrées le matin pour moi- et pour le monsieur qui n'aime soi-disant pas les gelées et qui râlait déjà au vu de la crêpe préparée, le goût des écorces de kumquats a été fatal.Merci, nous avons tous apprécié ton cadeau!
Je suis ravie que le pot se soit vidé avec appetit. J'ai tenté la pâte de pomme depuis, ne trouvant plus de coing.
D
Dracip27
12/01/2008 01:25
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Bonjour Venezia,de la confiture de coing ,délicieux,et en plus à Bandol,j'adore. Je passais et j'ai pu apprécier votre blog. Je viens de créer ma communauté, qui est basée sur l'information pédagogique diverse. Nature, actualités, sciences, informations, découvertes, littérature, poésie, enfin bref tout pour améliorer notre connaissance. Son nom…"Le champ du monde".Pourquoi cette démarche ? Over-blog nous indique qu'une communauté est un endroit ou tout le monde parle de la même chose, moi je cherche le contraire, à faire un endroit ou chacun puisse parler de ce qu'il aime ou qui le passionne. Si vous voulez nous rejoindre cela serait avec plaisir.(NB:Je ne suis pas un spam comme un ou deux bloggeur ont voulu me faire passer).A oui ,pourquoi ce texte,pour aider le "hasard",certains attendent patiemment ,moi j'essaye d'influencer le destin. Votre serviteur.<br />
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C'est drôle mais le coing est un fruit que je connais très peu...Peut être parcequ'il doit être cuisiné pour être croquer !<br />
Mais notre coing coing est aussi intéressant en masque (en y revient ! désolée Princesse ) Riche en vitamines, antioxydant, il est bon pour toutes les peaus ! Même pour les cheveux<br />
Sacré coing ! Même le Dr Hauschka l'utilise comme ingrédient dans sa crème de jour..
j'ai utilisé un temps (au printemps) la creme au coing d'Hauschka que j'aimais bien pour sa légereté, mais pour moi, pas assez hydratante. Les pépins sont aussi particulièrement interessants pour leur richesse en pectine (on peut faire des gels avec).
M
MaNouvelleNature
05/01/2008 10:43
Gelée et pâte de coing!!! j'adore!!!<br />
J'en fais quand j'arrive à trouver des coings! Et effectivement, je trouve que l'étape de découpe des coings est la plus difficile (voire dangereuse quand on est maladroite comme moi!)... Mais qu'est-ce que ça vaut le coup!!! je crois vraiment que la pâte de coing est ma confiserie préférée!
on devrait peut être fonder le club des accros au coing? quince addicts?
S
Snas
04/01/2008 13:40
Ha la gelée et la pâte de coings! Je me suis lancée cet automne, avec des bons gros coings bios et donc tout verreux... Mon bras a souffert, mais quel bonheur!J'ai aussi fait une fournée aux épices : canelle, gingembre, muscade... Un pur délice!Et j'en ai fait suffisamment pour en avoir encore aujourd'hui, les pâtes se conservent merveilleusement bien et ressemblent de plus en plus à des bonbons!
Pour une fois, je peux résister. Je ne suis pas fana du coing, pourtant ça fait partie de mon univers d'enfant : le cotignac orléanais, qu'on suçait dans ces petites boîtes en bois, ou les confitures de ma maman. Je n'aimais pas trop ce goût douceâtre et j'avoue n'en manger désormais que dans des mélanges de fruits d'hiver.
Tu parles de goût douceatre, Hélène, mais c'est lié souvent à la qualité des fruits… et à l'absence de jus ou de zestes d'agrumes qui changent vraiment la donne. La gelée et la pâte ont vraiment un goût acidulé…
M
michele
03/01/2008 22:09
Miam, j'aime beaucoup le coing qui sous une peau et un caractère coriaces, cache une divine douceur et beaucoup de subtilité en bouche.Quel boulot néanmoins pour fabriquer ta pâte et ta gelée.Je reconnais bien là ton goût de l'expérimentation et ton soin du détail.Chez nous, le coing se décline en confiture avec morceaux. Et je trouve que c'est déjà beaucoup de travail.J'aime la parfumer légèrement avec de la vanille (on laisse les morceaux dans le pot car on adore la machouiller et l'avaler après) et j'ai réussi une seule fois le mélange poire/coing.
Michèle, je n'ai pas trouvé ça fastidieux à faire:-d'abord, parce que ce n'est pas moi qui ai coupé les coings en morceaux, ce qui est le boulot le plus éprouvant… -ensuite, j'étais en vacances, donc j'ai pris tout mon temps et j'ai fait ça sur deux jours…coing+vanille, ça doit être délicieux, mais je n'avais pas emporté de vanille dans mes bagages…
L
Lila
03/01/2008 21:33
C'est toujours avec un immense plaisir que je lis tes articles Venezia, cette fois-ci tu m'as replongée en enfance....Ma mère avait pour habitude de cuisiner les coings, d'en faire des confitures ce qui convenait parfaitement à mon père qui avait les intestins très fragiles...Il y a quelques mois, je me suis aventurée à manger des morceaux de coing crus, c'est délicieux, un goût étrange mi-pomme mi-citron... Je me suis tout de même fêlée une molaire.... dons y aller doucement ... ;-)A la vapeur avec des patates douces, c'est aussi très bon...En Espagne, on trouve facilement de la pâte de coing (membrillo), de la bio, de la non bio, en vrac, en paquet... Dans le sud de la France, je ne sais pas trop, je n'ai jamais fait attention...Tes recettes donnent envie, le résultat semble divin.... Les pépins contiennent donc du cyanure, hum... ça peut toujours servir... (je plaisante hein ;-) )Bonne Année Princesse Venezia, que tous tes voeux se réalisent...
membrillo: … c'est pour ça que j'ai exploré les marchands portugais ou espagnols… L'idée de les faire à la vapeur m'emballe… enocre faudrait-il que je déniche des beaux fruits à Paris et ça, c'est pas gagné…