Empreintes des pieds de Vishnu dans le temple de Belur (avec dessins sur la plante)
Depuis mon retour d'Inde, je recherchais désespérement une phrase que Nicolas Bouvier avait écrite à propos des pieds en Asie. Pour ceux qui ont la chance (ils ont encore tout à découvrir) de n'avoir rien lu de lui, Nicolas Bouvier est le plus merveilleux des écrivains voyageurs: style étincelant sans images gratuites, écriture fluide… Il réussit à faire partager sa vision du monde, dépouillée, au travers d'une constante mais discrète ascèse avec les mots. Sans jamais donner de leçon ni se montrer obscur. Son livre le plus connu est L'usage du monde, récit d'un voyage accompli dans les années cinquante à bord d'une fiat Topolino, errance quasi mystique qui le conduisit de la Suisse où il était né, jusqu'à Ceylan, en compagnie d'un ami dessinateur Thierry Vernet.
Ce matin, j'ai enfin retrouvé le passage qui me titillait la mémoire:
«En Inde comme en Chine, les devins et chiromanciens attachent autant d'importance aux lignes de la plante des pieds qu'à celles des mains: ces ravissants pieds roses et gonflés, véritables pieds de bébé des anatomies tantriques! Les pieds, dans la tradition orientale, sont prises de terre, garants de notre verticalité, gourmands d'une énergie tellurique qui, par une succession de relais bien visibles le long de la colonne vertébrale, se transforme en force psychique. Superbe explication de cette stature dressée que nous partageons avec quelques gorilles, chimpanzés ou kangourous que la théologie, après quelques doutes et perplexités, a fini par ranger au tiroir des dossiers inclassables». Extrait d'Histoire d'une image, (ed. Zoe, 2001), cité également dans Le corps miroir du Monde, voyage dans le musée imaginaire de Nicolas Bouvier (ed. Zoe, 2000).
Nicolas Bouvier était aussi iconographe et photographe. Il est mort en 1998.
Elephant d'une frise du temple d'Halebid, lui aussi montre ses plantes de pied…
En évoquant les pieds, je n'ai pas encore fait allusion à une pratique thérapeutique qui m'est chère car j'en ai souvent testé l'efficacité, la reflexologie. Proche parente de l'acupuncture, elle considère que la plante de nos pieds est un modèle réduit de notre corps. En stimulant tel ou tel point de cette plante, on pourra donc "travailler" l'énergie de la zone corporelle qui lui correspond.
Ce que décrit très bien cet extrait d'un des livres rangé également dans mes favoris Le symbolisme du corps humain d'Annick de Souzenelle (ed. Dangles, 1984)
«Sur le plan physique, les pieds potentialisent le corps tout entier. C'est pourquoi l'art de l'acupuncture, dans une de des approches du corps, est pratiqué au niveau des pieds dont les émergences énergétiques, poncturées avec justesse, retentissent sur les méridiens correspondant au niveau de la totalité du corps. Dans cette optique, les doigts de pied correspondent à la partie céphalique du corps, le talon au fondement. Dans un resserrement encore plus grand de l'optique, le pouce du pied peut être vu comme un petit pied à lui tout seul (le "petit poucet" ne me contredirait pas!» .
Ce n'est donc pas l'estomac que nous avons dans les talons…