Des plantes au parfum, des voyages, des inspirations culinaires ou botaniques
5 Mars 2013
Trois mots qui résonnent comme des noms de code, trois découvertes délicieuses.Le kinilaw est l'équivalent philippin du ceviche péruvien, du poisson cru mariné dans un liquide acide, vinaigre ou agrumes. Le lapu-lapu est un mérou local à l'excellente chair ferme et le lato, une variété d'algues à l'aspect d'œufs de poisson.
Petits poissons séchant au soleil de Busuanga, dans le quartier des pécheurs, devant une bangka, le traditionnel bateau à balancier
Avec plus de 36 000 km de côtes (5°rang mondial), les Philippines ont un acès privilégié aux produits de la mer. On y mange donc beaucoup de poisson, frais ou séché, de mer ou de rivière mais aussi des coquillages, des crustacés et des algues. A Manille, il existe plusieurs "fish markets", où l'on peut choisir son poisson, ses crevettes ou autres, morts ou vifs avant de les donner à cuisiner, soit sur place s'il y a un restaurant associé, soit dans un établisssement proche si l'étal est à part.
Les pécheurs ne roulent pas sur l'or. Habitat sur pilotis à Coron town
Le lapu-lapu est par exemple proposé encore vivant, nageotant dans un aquarium où on l'attrape pour vous à l'épuisette, ou fraichement péché.
Vivier pour les lapu-lapu au large de l'ile de Coron
Sur l'île de Busuanga où on en trouve facilement, il est parfois placé dans des viviers en attendant d'être expédié. J'avais déjà visité Busuanga il y a quinze ans. Des lapu-lapu étaient alors envoyés vivants au Japon, j'avais même pu visiter un centre d'expédition. Je ne sais pas si c'est toujours le cas aujourd'hui, avec la demande intérieure en augmentation en raison de l'amélioration du niveau de vie.
Le lapu-lapu est le poisson tacheté au centre
Quand on regarde les nomenclatures, le lapu-lapu désigne divers poissons de la même famille que le mérou, classées dans les espèces vulnérables. Ceux que j'ai vu avaient tous la peau tachetée.
j'ai donc goûté du lapu-lapu grillé mais aussi préparé en kinilaw.
Kinilaw au calamansi, dégusté au bistro Coron, à mon goût le meilleur
Le kinilaw est un plat où le contact avec un liquide acide est utilisé comme mode de cuisson. La macération est très brève, on reste dans le presque cru. C'est une cuisine de fraicheur. On ajoute au plat oignons, piments, parfois tronçons fermes de concombres épépinés, ail, gingembre, tomates. Le jus est court, la chair du poisson est à peine opacifiée.
Kinilaw du restaurant la Sirenetta, pas mal non plus, avec des petits piments verts
A Coron, j'ai testé tous les kinilaws que j'ai pu trouver. Ils étaient parfois préparés avec du vinaigre - qui éteint un peu le plat-, meme s'il s'agit le plus souvent de vinaigre de canne aromatique. Le meilleur kinilaw a été celui au jus de calamansi, exquis citron philippin, tout petit, bourré de pépins, à la pulpe jaune orangée très parfumée. Le gingembre rapé apporte vraiment un plus. On est alors très proche de la recette péruvienne (piment fort en moins). Malégria l'avait donnée sur son blog il y a longtemps déjà.
De retour à Paris, nous en avons préparé avec du cabillaud.
La recette pour deux:
-une tranche épaisse de cabillaud coupée en gros cubes
-un demi-gros oignon mis à tremper quelques heures dans de l'eau glacée, ce qui laisse les oignons très crissants sous la dent et leur ôte de l'âcreté. C'est un tour de main appris en Espagne il y a bien longtemps. On y sert des salades d'oignons doux, arrosées juste d'huile d'olive et parsemées de fleurs de thym, un régal estival.
-assez de jus de citron vert (à défaut de calamansis) pour pouvoir baigner les morceaux de poisson. Eventuellement, un soupçon de vinaigre doux si on en a.
-l'équivalent d'une petite phalange de gingembre râpé ou émincé très fin
-de la coriandre fraiche
-si on supporte, un demi petit piment fort, débité en très fines rondelles s'il est frais, émietté s'il est sec. Eviter la poudre; il faut conserver la surprise de la rencontre avec le piquant, et non avoir un bloc de saveurs uniformes.
-si le jus de citron semble trop acide, adoucir avec un peu de lait de coco. j'utilise les galets de chez Picard, moins gras que le lait de coco en boite. (Pour deux, un galet suffit)
Cinq minutes avant de servir, recouvrir les morceaux de cabillaud de jus de citron. Touiller à plusieurs reprises. Dès que la chair s'opacifie, ajouter les oignons bien égouttés, le gingembre, le piment et le lait de coco liquéfié si nécessaire. Bien remuer, mais avec délicatesse pour ne pas abimer la chair. Saupoudrer de coriandre fraiche. C'est pret.
A Coron, nous avons dégusté l'un des kinilaws avec une salade d'algues locales.
Lato photographié au marché de Baguio (à Luzon, loin de la mer).On retrouve dans la cuisine du nord Luzon des éléments des préparations d'Okinawa, dont le lato mais aussi les concombres amers, omniprésents. Okinawa est située bien plus au nord, mais en zone tropicale comme les Philippines.
Préparation du lato au marché de Coron town
Le lato (caulerpa lentilliera) se présente sous la forme de petits œufs verts translucides. C'est une algue de mer dont la présence signe la pureté des eaux (sinon, elle ne pousse pas).
Bangka amarrée au pied des falaises karstiques de l'ile de Coron, territoire des Tagbanuas (Il y a quinze ans, j'avais pu camper sur cette ile, ce n'est plus possible, elle est devenue une réserve protégée).
Elle est péchée non loin des mangroves, mais en profondeur, notamment par les Tagbanuas qui vivent sur l'ile de Coron, -devenue très touristique- juste en face de la ville de Coron, située, elle, sur Busuanga. Elle ne peut pas se sécher, s'abime très vite et ne se déguste donc que super fraiche.
Le lato est largement consommé à Okinawa, l'île des super centenaires japonais (son nom: là-bas: umibudo).
Salade de lato, avec tomates, oignons et vinaigrette très légère à la Sirenetta, à Coron town, le seul endroit où je l'ai vue à la carte.
Son goût est ténu, mais la texture très amusante, avec le même effet pop up que lorsqu'on croque un œuf de saumon.
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