Depuis peu, j'ai en ma possession le tout récent Manuel pratique d'aromathérapie au quotidien de Patrice de Bonneval et Franck Dubus, avec des illustrations de Gentiane Magnan (éditions Le Sureau). Patrice de Bonneval a fondé L'école lyonnaise des plantes médicinales en 1983. Il est pharmacien et depuis une trentaine d'année poursuit sa route sur le chemin de l'herboristerie (l'herboristerie Croix Rousse à Lyon, c'est lui, elle vient de changer de nom, semble-t-il). Franck Dubus, également pharmacien, enseigne à l'école lyonnaise. J'étais donc impatiente de découvrir ce livre.
Il compte 367 pages et renferme:
-le mode d'emploi des HE, très concis mais très réussi
-un formulaire de recettes pour les pathologies et bobos les plus courants, dont une petite section consacrée aux bébés et aux enfants.
-un choix de 52 (environ) huiles essentielles (HE) . Je dis "environ" car pour certaines variétés, il étudie ou se contente de passer vite sur certains chémotypes
-huit huiles végétales
-un chapitre sur les molécules végétales, fort intéressant même s'il est bref
-un chapitre consacré à la beauté au naturel avec des recettes
-une section brève mais intéressante pour l'olfactothérapie et les parfums
-une classification des plantes
-l'évocation de quelques produits finis singuliers (Baume de Sainte Rita, baume des Moines et autres curiosités)
Les rubriques (pas forcement longues… ) pour chaque huile essentielle:
-origine, historique, usage
-description
-obtention
-caractéristiques
-composition
-propriétés
-indications
-mode d'emploi (pas toujours présent, mais avec des conseils particulièrement judicieux pour les diverses précautions à prendre)
-observations
-attention (précautions)
-parfum et olfacthothérapie
-pour l'essentiel (bref résumé)
C'est clair et carré.
Le choix des huiles est classique (absence de la rose, du vetyver, du patchouli, des citronnelles, de l'épinette noire, par exemple), mais pas mal de chémotypes étudiés pour la lavande, le romarin ou les menthes.
Le formulaire est intéressant en ce sens qu'il ne reprend pas les mêmes formules- souvent citées- de Dominique Baudoux, ce qui ouvre de nouvelles possibilités, qu'il cite parfois les hydrosols, que les formules sont simples (cinq HE maxi, souvent deux ou trois) et parfois brutes de brut, ce qui n'est pas un défaut à mes yeux… mais les auteurs n'y vont pas toujours avec légèreté. Pour les diffusions atmosphériques, par exemple, c'est 30 mn d'affilée, ce qui me semble beaucoup quand même, surtout quand on ne vit pas dans un chateau de cent pièces… Les recettes comportent de temps en temps des HE qui ne sont pas recensées dans les 52, ou des préparations non détaillées par ailleurs (macérat de camomille par exemple)… ce qui me ferait dire qu'il faut avoir déjà un peu pratiqué pour en tirer le meilleur usage.
C'est un bon bouquin, d'autant plus si on le "croise" avec ceux qu'on possède déjà.
La surprise, c'est que dans la partie cosmétique, comportant quelques recettes assez simples pour les cheveux, le corps, le visage, etc. le livre ne donne que deux bases:
-le cérat de Galien, avec un bug puisque le borax est oublié dans les ingrédients de la formule alors qu'il apparaît dans la préparation (ce n'est pas ma formule préférée car ce n'est pas la plus stable et je n'utilise pas de borax)
-et une trituration de karité pour élaborer des baumes, celle qui m'a intéressée.
Le livre avance, ce qui m'a étonnée, que le karité "est émulsifiant et donne à froid, des cremes et des laits faciles à réaliser". C'est le terme émulsifiant qui m'intrigue car je l'ai vu très rarement associé au karité.
Trituration au karité, la formule de base de Bonneval et Dubus
2 cuillérées à soupe de karité
1 cuillérée à soupe d'huile végétale au miminum
1 cuillérée à soupe d'hydrolat au minimum
éventuellement: conservateur, huiles essentielles, etc
L'art consistant à intégrer petit à petit l'huile, puis l'hydrolat, au karité réduit en pommade. En rajoutant plus d'eau et d'huile, on devrait, parait-il, obtenir un lait… Je n'ai pas essayé.
Le texte évoque l'utilisation d'un mortier. J'en ai donc acheté un en porcelaine blanche (avec un fond "râpeux") et me suis lancée. Il n'a pas fallu me pousser: je rêvais depuis longtemps de travailler au mortier, tant, dans mon imaginaire, il est associé aux fabrications un peu sorcières.
L'incorporation de l'huile au karité n'a pas posé problème. Celle de l'hydrolat m'a parue plus hasardeuse car il a eu tendance à gicler hors du bol. J'ai commencé à travailler au pilon, mais le bruit de son frottement contre le fond du mortier m'a tant frisé les nerfs que j'ai fini à la spatule en silicone, ce qui donne, au final, une belle texture crémeuse (consistance crème au beurre). Pour tester, j'ai préparé un baume anti mycose pour les ongles, avec les HE suggérées dans le formulaire (je ne désirais pas les utiliser pures, je crains la cannelle, très dermocaustique).
Baume pour les ongles anti mycose
30g karité
1 cuillérée à soupe d'huile de baobab (je l'ai choisie pour son pouvoir hydratant et sa légèreté)
1 cuillérée à soupe d'hydrolat sauge sclarée (anti-inflammatoire. L'He est anti- mycosique. On peut choisir d'autres hydrolats)
En gouttes, trois HE aux propriétés antifongiques:
20 g HE lavande vraie
2Og HE origan compact
10g HE cannelle feuilles
Edit: ces doses d'He sont très importantes car il s'agit de traiter une mycose et que le baume est appliqué sur les ongles. En version pour le corps à pappliquer sur la peau, je compte au maximum 1 goutte d'HE (plutôt douce, jamais de cannelle donc) par ml de produit.
Edit 2: suite à une remarque judicieuse de Bluetansy disant qu'on ne peut appeler baume un mélange qui possède une phase aqueuse, je devrais donc nommer cette mixture "trituration" comme le fait Bonneval, mais je trouve le mot très vilain. Mea culpa donc.
Néanmoins j'ai utilisé cette technique à froid pour des mélanges karité+huile (donc, un vrai baume) qui restent très souples.
Je fabrique en très petites quantités, transvase tout dans des mini-pots et conserve le reste au frais. Si on prévoit en grand (et avec pas mal d'hydrolat ou d'eau), rajouter de l'extrait de pépins de pamplemousse (à raison de 10 gouttes pour 100g de produit) pour prolonger la conservation et utiliser une spatule propre pour prélever du produit.
Je n'ai pas mis de conservateur en raison des doses d'HE. Origan et cannelle étant tous deux dermocaustiques, intégrer les HE très doucement pour éviter les projections.
En manipulant ces HE, avoir toujours à proximité une huile végétale pour "rincer" la peau si besoin est. Cette préparation à froid est respectueuse du karité. Enfantine à réaliser, elle peut donner un résultat très onctueux. Le baume est moins lisse qu'avec les formulations à base d'huile de coco, mais il reste très souple.