Des plantes au parfum, des voyages, des inspirations culinaires ou botaniques
20 Avril 2011
J'ai voulu tester la fabrication d'un parfum utilisé en Afrique noire, il s'appelle thiouraye au Sénégal, wusulan au Mali. il s'agit d'un produit que l'on consume comme un encens sur des braises pour parfumer les vêtements… et ensorceler son amoureux.
Mystic a incorporé du wusulan dans une plaquette de cire parfumée : c'est ce qui a réveillé le souvenir des premières recherches que j'avais faites.
J'ai donc fait l'acquisition d'un petit livre: Parfums du Mali, dans le sillage du wusulan (ed. Cauris) d'Adame Ba Konare (ex première dame du Mali). Il m'a ouvert les portes car elle a mené une véritable enquête.
Le principe de base est très simple:
*On pile des herbes et des résines que l'on recouvre de parfum (donc on les imprègne d'une base alcoolique)
*On fait évaporer
*On recouvre cette matière parfumée de lotions huileuses odorantes (on fait une macération huileuse)
On laisse -ou pas- macérer à nouveau.
Dans certaines recettes, on ajoute encore du parfum, le plus précieux.
Puis on utilise la matière (pas très ragoutante visuellement) sur des braises.
Cette technique m'a immédiatement évoqué celle présentée par Greg sur le forum des Céphées. Il décrit la fabrication d'un "or liquide" à partir de résines, et dont le parfum est très persistant.
Les ingrédients les plus souvent cités dans les formules données par Adame Ba Konare
- les résines, encens notamment
-Des racines de plantes. J'ai réussi quasi-miraculeusement à en trouver une, à l'état brut: c'est le gwe (cyperus rotondus) de la même famille que les papyrus. Magnifique parfum dans le registre du vetiver, sans que cela y ressemble.
-L'autre racine très souvent citée est le sarakatane (nom bambara) ou saghine (nom français) corrigiola telephiifolia en latin. Je n'en ai pas acheté car celles que j'ai dénichées non sans mal étaient déjà préparées… et parfumées, mais pas à mon goût.
-Parmi les autres ingrédients bruts: clou de girofle, écorce de citron, bois etc.
-Parfums et huiles parfumées: dans son livre, Adame Ba Konare explique qu'aujourd'hui, les créatrices de wusulan qui lui ont livré leurs secrets emploient des parfums et des huiles toutes prèts (dont Opium… ). Elle donne les noms de certains parfums ajoutés couramment. J'ai réussi à en trouver quelques uns à Paris, j'ai acheté des mini formats peu onéreux… mais, pour l'instant, je n'ai pas trop réussi à les apprivoiser; leur point commun: des notes rétro. Ce qui n'est pas étonnant car il s'agit de créations assez anciennes.
Celui que je parviendrais le mieux à mater serait peut être Rêve d'or de Piver, qui possède quelques notes plus fraîches que les trois autres testés (Héliotrope blanc de Piver, Cuir de Russie, trouvé en lotion, de Piver et, sur base huileuse, Bint el Sudan)
On trouve du thiouraye tout prêt à Paris.
Celui que j'ai acheté pour tester a la texture d'un tabac à priser très humide.
Pour le wusulan, pour l'instant, j'ai fait chou blanc.
A partir de ces données, je me suis lancée.
J'ai toujours des résines qui macèrent dans mes placards pour des teintures.
J'ai choisi un bocal renfermant du benjoin et de l'encens trempant dans un mélange d'alcool, d'hydrolats d'encens et de rose et j'ai ajouté des pétales de rose rouge, -ceux de Baldwins sont parmi les plus parfumés que je connaisse-, un peu de vanille et du gwe que j'ai difficilement concassé.
J'ai tendu une gaze ficelée autour de l'ouverture du bocal que j'ai exposé au soleil. Tout le liquide s'est évaporé en deux jours.
texture confiture après macération solaire
J'ai alors ajouté des huiles parfumées:
-une huile maison macérée aux épices
-une huile de bain ylang-géranium-cédre. Curieusement, elle a donné une note "cocotte". J'ai baissé ces jupons trop affriolants avec 4 gtes d'HE de poivre noir, 2gtes d'HE de girofle dilués dans de l'huile de coco fractionnée et j'ai laissé macérer en sentant régulièrement.
J'ai laissé plus de liquide que dans un thiouraye ou un wusulan car c'est l''huile, très odorante, que je désire utiliser pour l'incorporer dans des produits.
J'ai préparé un autre essai plus minimaliste sur un mélange plus complexe de résines avec ajout de vanille, de roses et de gwe.
Affaire à suivre avec les tests, mais déjà, je peux dire que cette technique est particuièrement inspirante et donne des résultats très tenaces.
Résumé de la technique inspirée de la fabrication du thiouraye ou du wusulan
-Piler des résines (encens, benjoin, opoponax, etc), des bois ou racines (vetiver, gingembre, ginseng, etc) très odorants. On peut aussi ajouter des morceaux de vanille à ce moment (on peut aussi en mettre à la fin)
-Recouvrir d'alcool (au moins 60°)
On peut couper de l'alcool à 90 avec des hydrolats pour booster la note parfumée
-Laisser macérer à l'ombre (assez longtemps, ça va de quinze jours à plusieurs mois, on juge au nez).
Ajouter éventuellement des pétales parfumés de fleurs et de la vanille
Dans ce cas, laisser encore macérer deux ou trois jours
Exposer au soleil le bocal sans couvercle et recouvert d'une gaze protectrice jusqu'à évaporation totale du liquide. On obtient une sorte de confiture très odorante. Touiller. Rincer tout de suite à l'alcool l'instrument de touillage car les résines collent
Recouvrir d'huile. En choisir une qui résiste bien à l'oxydation: coco fractionnée, jojoba ou moringa qui a la réputation de bien fixer les odeurs. On peut bien sûr parfumer l'huile lors d'une macération préalable.
Si on veut obtenir un parfum huileux, recouvrir largement d'huile; si on veut tester sur des charbons, on se contentera de diluer à peine la matière première.
Si on veut se rapprocher d'un vrai thiouraye, on peut bien sûr utiliser des parfums et des huiles de bain de grande marque… mais c'est à manier avec doigté… Dans ce cas, pour limiter les risques de cacophonie olfactive, penser à regarder la pyramide de ce parfum (sur le site ozmoz par exemple) pour renforcer certaines de ses notes avec des matériaux bruts (hydrolats, plantes) qui leur correspondent.
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