Après avoir lu ici, là et là les récits de "virées huiles essentielles" à Kannauj, je n'avais qu'une envie. Y aller à mon tour.
Paysage à travers la vitre (sale) du train Bénarès-Kanpur
Pas si difficile … une journée de train depuis Bénarès avec changement à Kanpur et on était sur place, logés dans un tourist bungalow situé à la sortie de la ville, essentiellement musulmane, toute en longueur, dans un alignement de maisons de brique à la splendeur écroulée.
A Kannauj, on produit des parfums sans interruption depuis le XVI° siècle; la ville était alors une cité commerciale et prospère de l'empire moghol. Mais elle est bien plus ancienne, elle fut la capitale d'un royaume indien au VII °siècle. Aujourd'hui, il faut se balader dans ses rues déglinguées avec en tête l'idée de sa splendeur passée pour aiguiser son regard et découvrir, du haut d'une carriole attelée, des portails décolorés mais en bois sculpté ou des fenêtres de guingois toutes ouvragées…
L'artère principale est jalonnée de boutiques de parfum. Comme l'a souligné Trigve Harris (du blog d'Enfleurage), le souci premier de Kanauj, c'est la crise du santal. Traditionnellement on y fabrique des attars, hydro distillations de plantes (surtout à fleurs) sur un support d'huile essentielle de santal, utilisé comme fixatif de parfums volatils. Or il y a une pénurie généralisée de santal blanc. Les arbres de santal poussent très lentement, il y a eu beaucoup d'abattage sauvage et le gouvernement indien a quasiment fermé le robinet des approvisionnements officiels.
Comme il s'agit d'une technique très particulière, les producteurs d'attars ont cherché des produits de substitution. C'est ainsi que l'huile essentielle de santal est notamment remplacée par duDOP (dioctyl phtalate) cancérogène et je dirais… dix mille fois moins coûteux. J'ai posé la question dans les boutiques que j'ai visitées (c'était samedi midi, beaucoup fermaient), on m'a sorti des produits avec DOP, d'autres théoriquement sans, d'autres encore élaborés sur du santal africain … Que croire? Trigve Harris reste très méfiante. J'ai joué la prudence, et me suis d'abord intéressée à l''huile essentielle de vétiver (bien qu'il existe aussi des attars de vétiver). Ça tombait bien, nous étions en pleine époque de sa distillation, qui se déroule essentiellement de janvier à mars.
Derrière l'ouvrier, des racines de vétiver en tas, épuisées après distillation
Bottes de vétiver frais
Ce sont les racines qui referment les molécules odorantes. Elles sont apportées fraîchement arrachées (de l'Uttar Pradesh, du Rajastan, du Madhia Pradesh notamment); j'ai vu des ouvriers secouer patiemment la terre des brins entassés en monceaux dans des cours de plein air, montagnes beiges et parfumées. .Chargement du four
La distillation à laquelle j'ai assisté - aussi rustique que celle de l'ylang ylang que j'avais contemplée à Madagascar- est baptisée "scientifique", car elle utilise un gros four moderne (celui photographié vient de Singapour), qui chauffe un récipient imposant (situé à l'intérieur, dans la pièce contigue au four), par opposition à la distillation traditionnelle en petits alambics chauffés à feu nu que j'ai pu aussi voir (j'en parlerai bientôt).
La colonne de distillation
En hindi, vétiver se dit khus. Difficile à prononcer: dire kushh en chuintant… Quand le vétiver est distillé en alambic de cuivre (ruh), on l'appelle ruh kush.
J'ai demandé: -Que faites vous de l'eau de distillation? -Rien C'est ainsi que je suis repartie avec, en cadeau, un demi litre d'hydrolat encore tout chaud que j'ai précieusement trimballé jusqu' à Paris.
Si le ruh kush est employé en parfumerie, le vétiver distillé en gros entre surtout dans les compostions destinées à parfumer les chewing gum, le tabac, des mélanges digestifs, le guthka et le paan, à base de noix de bétel qui, dans toute l'Inde, se machouillent avant d'être recrachés, font saliver mais n'arrangent ni les gencives ni la bouche (taux record de cancers buccaux… ).
*sur les attars (wikipedia en anglais): ici, mais avec des approximations sur le vétiver, dont l'huile essentielle n'est pas diluée dans une huile végétale comme il est affirmé…
*très intéressant (en anglais): sur le DOP et le santal à Kannauj: ici
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Peut etre, je n'ai jamais fait attention à cela. j'attends qu'ils fleurissent... et je reviendrais...<br />
Les ajoncs blancs, jaunes ????<br />
Je vais te mettre en lien sur le billet que j'ai écrit sur les ajoncs !!!!<br />
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J'ai écouté l'autre jour une emission sur les parfums à france Inter, c'était passionnant; J'aimerai avoir le temps de m'y plonger !<br />
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Surtout qu'en bretagne, les ajoncs sentent la mirabelle!<br />
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I
Irene
14/04/2009 12:03
Pas très productive ce matin ... je suis allée lire en détail les liens que tu as donnés ; L'article de Trigve Harris est fort décourageant. Comment faire pour être sûre des attars ?Qu'est-ce que tu appelles leur "certificat de baptême ?".Merci à "MC" pour les photos ...
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ce que j'appelle le certificat de baptème, c'et le nom du fournisseur et des détails sur la composition de ces attars.<br />
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MC photographait tandis que je papotais et "reniflais", difficile de faire les deus à la fois…<br />
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I
Irene
14/04/2009 11:20
Venezia, tu viens d'annoncer une bonne nouvelle : la "suite" ... !
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je suis un peu en retard pour la fameuse suite… trop de trucs différents en train…<br />
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I
Irene
14/04/2009 11:19
Bonjour Hélène ; je suis allée admirer votre travail. Cela m'a amusée de voir l'une de vos aquarelles qui m'a fait penser à l'une des miennes :http://img517.imageshack.us/img517/321/ilecopie2.jpgJ'ai vu que vous alliez vers l'abstraction, ce que l'on remarque fort bien dans votre tableau "les lingères de Bouhoun-Bozo". Je n'ai pas encore franchi ce pas ...Pardon Princesse de prendre ton blog pour un salon !
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Il me reste à écrire la suite…<br />
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M
mlk
13/04/2009 14:17
Avec ou sansil m'interpelle, m'interrogejamais ne m'indispose, ne m'incommodeil m'insuffle son énergie de vieil m'illumine de sa magietiens c'est vrai sans y , il porte beau son habit@ Irène merci l'Artiste de poser ta plume ici que j'aime plus que tout
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On pourrait créer le club des vetiverophiles…<br />
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I
Irene
13/04/2009 10:18
Oui, Princesse, Vetiver s'écrit désormais sans y, je ne sais d'ailleurs pas pourquoi mais cela n'a aucune imoportance !L'important c'est que le vetiver existe ...Alors, pardonne-moi, mais je vais quand même parler des couleurs terre. Je les aime : elles sont le creuset de la vie, l'humus d'où tout pousse, celui que nous retournerons enrichir de notre part physique.Je ne saurais me passer, par exemple, de la terre de Sienne brûlée !Mais on en ressent particulièrement le "poids" à l'aquarelle et, évidemment, dans les techniques de peinture al fresco dans lesquelles on utilise les pigments : si on prépare sa couleur avec un pigment terre, on peut être sûr de la retrouver moisie - c'est à dire vivante - deux jours après. (à moins, évidemment, d'avoir ajouté un peu de vinaigre ou un conservateur adapté).Le Vetiver me fait irresistiblement penser à la couleur (naturelle) terre verte. Ce sont toujours des couleurs avec lesquelles on doit dialoguer car, en aquarelle, elles sont un peu imprévisibles ce qui fait leur charme et à l'huile, elles sont très denses.Une adresse :http://www.avignon-et-provence.com/luberon/ocres-roussillon/producteur-ocre.htmJe suis loin d'avoir épuisée tous les charmes de ton article pour lequel je te remercie encore.
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irène, merci pour le lien.<br />
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Les brins de racine de vetiver sont couleur… ficelle et ils me rappellent vraiment cette matière par leur texture. Quant au parfum veitver, lui, je ne le "vois" pas tout à fait terre mais humus de<br />
feuilles… C'est toujpurs étonnant quand on compare les sensations que fait naître une odeur…<br />
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I
Irene
12/04/2009 10:50
Magnifique article, merci.J'y reviendrai mais il m'a inspiré ceci :Je n'ai plus le i grecJe fus parfum de mecJe suis le VetiverJe peux n'être qu'humuspourtant benedictusJe suis le VetiverEt même simple haievoire humble balaiJe suis le VetiverJe peux n'être que paillemais de mes entraillesJe deviens VetiverDe notre mère l'Indema racine l'on scindeJe deviens VetiverAlors en toute gloireJe suis dans les grimoiresJe suis le Vetiver.
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tu as donc remarqué que j'étais passée du y au i… j'ai beaucoup hésité car j'ai toujours écrit vetyver; mais manifestement, on trouve vetiver plus<br />
souvent. Tu dis si bien ça en vers… que le choix du i importe peu… merci Irène<br />
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P
patte
11/04/2009 23:28
très documenté comme le souligne Michele !Agacée par ce DOP . Avec une boutique parisienne comme celle dont on m'a parlé : http://www.tirazi.com/, on peut se poser des questions quant à la compo de leurs attars..Reste que dans mon cas...je n'ai jamais senti du attar de quoique ce soit ! Pour le bois de santal , c'est une bonne nouvelle qu'il soit désormais ainsi protégé. (en espérant que la déforestation sauvage reste iimitée...)Question sur maître vétiver : le "ruh kush" est donc destinée à la "parfumerie". Mais aussi tout simplement en aromathérapie ? Tu sais si ce qu'il reste des racines de vétiver, est utilisé pour autre chose après distillation ? Mais vu ce qu'ils font de l'eau de distallation ...J'ai donc moi aussi compris d'où venait ton mystérieux ha de vetiver "brut de décoffrage" !
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Patte,<br />
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je pense que vu le prix affriché pour ces attars, tu es en droit de demander leur certificat de baptème, si je puis dire…<br />
Au nez, un attar est aussi concentré qu'une HE.<br />
Le ruh khus est aussi bien sûr, utilisé en aroma; j'ai voulu bien différencier avec ce que j'ai vu qui avait une autre finalité.<br />
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Dans les distilleries que j'ai visitées, les racines de vetiver (et les autres plantes), après distillation, sont réduites en poudre et employées pour fabriquer des encens.<br />
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