-Sentez ce flacon, suggère Brigitte Michel, productrice d'huiles essentielles installée à Aumelas, dans l'Hérault (marque: Garrigue en essentielles, HE aux parfums merveilleux). Je renifle… Surgit alors, de façon quasi magique, le parfum exact des chemins creux. Odeur d'herbes froissées, vive, un peu rustique, tirant sur la menthe… Je pense tout de suite: menthe pouliot… ¨-Petit calament, révèle Brigitte Michel, qui montre une botte de la plante séchée qu'elle a apportée avec elle à Paris.
Petit calament (Source ici, excellent répertoire de plantes medicinales)
Le petit calament (nepeta calamintha) ne paie pas de mine: gracile, tiges fines, petites fleurs rose mauve. On le croise au bord des chemins sans réaliser que c'est lui qui les incarne olfactivement. Je n'ai pas résisté. C'est une huile essentielle chère, le calament n'est pas généreux, il donne peu en distillation.
De retour à la maison, le flacon installé sur mon bureau … j'ai quand même cherché à en connaître plus sur ses vertus.
J'ai découvert que l'idée de menthe pouliot n'était pas si nulle, puisqu'on appelle parfois le petit calament fausse menthe pouliot. Il appartient, comme elle, à la famille des labiées (ou lamiacées). Les huiles essentielles des deux plantes renferment deux constituants neurotoxiques: menthone et pulegone. On doit donc les utiliser avec beaucoup de précautions. (Par exemple, recommandations pour l'utilisation de l'HE de menthe pouliot ici)
Selon l'index de la flore de France dressé par l'INRA, le calamintha nepeta s'appelle aussi melissa calamintha. Il possède plein d'autres synonymes, ce qui laisse entendre qu'il était très familier aux ramasseurs de médicinales, prompts à baptiser leurs trouvailles. On le nomme par exemple baume sauvage, fausse sarriette. Il dégage une odeur "douce et agréable" souligne le Dictionnaire des plantes qui guérissent (Larousse 1972). Je ne trouve pas l'odeur de l'HE particulièrement douce, mais enfin… C'est plutôt une plante méridionale. (Mes souvenirs de chemins creux viennent du Sud-Ouest).
A la table des herbes
Dans son Tour de France d'un botaniste gourmand (Plon), François Couplan livre une recette de soupe de poissons au calament (fleurs et feuilles). Mais il fait cuire la plante une demi-heure, ce qui me semble beaucoup pour des fleurs…
Il existe aussi un grand calament (calamintha grandiflora), apparemment moins rustique de goût, que le chef cuisinier Marc Veyrat utilise dans des recettes (Herbier gourmand, réalisé avec François Couplan, Hachette, aussi intéressant pour les commentaires olfactifs sur les plantes que pour les recettes). Pour présenter la plante, quelques remarques intéressantes. «Dans le Massif Central, la plante (le grand calament) est connue sous le nom de thé d'Aubrac, que l'on prenait jadis en infusion, à la place du thé noir. En Savoie, on l'appelait "mélisse sauvage" et l'usage était de la mettre à macérer dans de l'alcool avec du sucre pour obtenir une liqueur exquise».
*Le petit calament, lui, entrait dans la préparation de l'eau d'Arquebusade, destinée à soigner les blessures (à l'arquebuse… ) par voie interne et externe. On l'obtenait en macérant puis en distillant 17 plantes, dit mon Larousse. 75 compte un site suisse affirmant détenir la vraie recette… Il présente son eau vulnéraire préparée avec des plantes des Alpes suisses comme une panacée… à tel point qu'on se demande même pourquoi il n'y a pas plus d'immortels dans les Alpes…
Retour au grand calament : «Le parfum du calament à grandes fleurs est mentholé, déilcat, subtil, mais également vif avec une note fugace de grenadine. Marc (Veyrat) qui considère cette plante comme une grande découverte, estime qu'elle en fait trop, qu'elle cherche au fond à se faire remarquer, mais qu'il est difficile de lui faire tenir ses promesses. (… ) Le secret: ne pas travailler la plante à chaud mais à tiède». Suivent deux recettes l'une avec des huitres, l'autres pour aromatiser un yaourt. `
*L'idée de l'huitre me semble très ingénieuse, car à la réflexion, j'ai trouvé une petite note iodée dans l'HE de petit calament.
Propriétés médicinales du petit calament L'infusion (5 à 6 g par tasse d'eau bouillante, infusion 10mn) est digestive, agit contre l'aérophagie,contre les vertiges et les maux de tête d'origne digestive. Au Moyen Age, on la préconisait notamment contre le hoquet (Larousse), indication reprise dans le très sérieux Guide pratique de phytothérapie de R. Fauron et R. Moatti (Maloine, 1984). Selon Nicolas Culpeper, les feuilles bouillies dans du vin font transpirer et libèrent «les obstructions du foie et de la rate». Marie-Antoinette Mulot le présente aussi comme un tonique intellectuel.
Sirotons du petit calament en tisane, enivrons nous du parfum des chemins creux, mais prudence avec l'utilisation de l'huile essentielle.
hummm... j'en ai plein le chemin derrière chez moi, juste avant la garrigue ! ma voisine qui a bientôt 100 ans m'a dit que ça s'utilise -avec parcimonie- lors de la cuisson des haricots cocos... oui, l'odeur est vraiment très forte. j'aimerais bien sentir l'HE ! <br />
tu te souviens Venezia, l'an dernier il était question de sirop de plantes sans cuisson sur le forum aro-mat ( = on met à macérer des plantes dans du sirop de canne nature ) j'ai essayé avec la menthe sauvage ( c'est comme ça qu'on l'appelle ici ) eh bien c'était vraiment trop fort ! du concentré ! la lavande convenait mieux, mais c'est une autre histoire ;-)
En HE, l'odeur est aussi très puissante avec une note amère… En sirop, ça dioit déménager aussi…
M
michele
26/09/2006 09:02
Bonjour Venezia,Le contre-coup de l'abbé Perdrigeon en a prit un coup si je peux me permettre. C'est le résultat de l'harmonisation Européenne qui a obligé tous les laboratoires à faire le ménage dans leurs formules; à juste titre quelquefois mais cela a amené certains médicaments à garder le même nom mais avec une composition très "légère" quelquefois!L'odeur des chemin creux méridionaux ne m'évoque à priori pas grand chose non plus. Et pourtant, je ne suis pas bretonne...A sentir un jour...A bientôt!
Ce fameux contre-coups, nous l'utilisions à la crêche où je faisais des vacations pendant mes études, et c'était efficace. Quant à la "panacée" savais-tu que ce mot dériverait de la dénomination latine du ginseng (panax ginseng) ? Mais je m'éloigne de tes chemins creux si odorants... Merci pour cette promenade.
… je pense que le calament est plutôt l'odeur méridionale des chemins creux… j'ai fait tester à l'aveugle à un Breton… ça ne lui a rien évoqué…
M
michele
24/09/2006 18:43
Très instructif Venezia, Il me semble (mes souvenirs sont tellement loin maintenant) que le calament officinal (calamintha officinalis) faisait partie de la formule d'un vieux médicament qui portait bien son nom "le contre-coup de l'abbé Perdrigeon".J'avais quelques vieux clients qui s'en servaient à la fois en externe et en interne. Son usage se rapproche de ton eau d'Arquebusade qui dit bien son nom également.Je n'aurai pas l'occasion cette année d'aller au salon Vivez Nature que j'apprécie beaucoup mieux que Rentrez Zen où je ne vais plus.A très bientôt au cours de mes promenades sur ton site.
J'avais oublié de signaler que calamintha officinalis est un autre synonyme du nepeta… Je découvre avec délices ce «contre-coups de l'abbé Perdrigeon» dont le nom me ravit absolument… (sur le Vidal en ligne, ils n'indiquent que l'aloe comme composant actif, mais la formule a peut être changé…)
P
Pescalune
24/09/2006 17:13
Jolie découverte Venezia ;o)Avec un peu / beaucoup de chance cette dame viendra présenter ses HE au salon Harmonies de Montpellier en décembre .... que je puisse sniffer ce petit calament qui t'a fait craquer ....
J'espère pour toi,… Elle n'a pas beaucoup de variétés d'HE, mais elles ont le parfum des plantes. Elle a plusieurs thyms, de la lavande aspic, de la carotte sauvage comme notre ami Clem, etc. Elle fait aussi des macérations, j'ai acheté de la paquerette car j'ai quasiment terminé ma production maison … et pas de paquerettes fraiches avant le printemps prochain…