Des plantes au parfum, des voyages, des inspirations culinaires ou botaniques
12 Octobre 2010
Des camarades cosmeteuses exploratrices et douées ont déjà suivi la piste du savon comme émulsifiant ou adjuvant émulsifiant. Ayant eu le privilège de faire la testeuse, j'ai trouvé que cet ingrédient semblait ajouter un peu de glissant bienvenu aux textures. Voir par exemple les essais de Loitarose, Irène et Mlk ici , ici-ou ici
Mais je ne m'étais pas encore lancée; il y a tant de choses à essayer! En feuilletant La préparation : mode d'emploi (Catherine Mautrait, Robert Raoult, ed. Porphyre) l'un de mes livres de chevet (j'exagère à peine) je suis tombée sur une rubrique, même pas répertoriée à l'index, qui m'a vaiment tiré l'œil:
Teinture de savon ("pour mémoire" indique le livre, ce qui signifie probablement formule desuète)
"savon médicinal: 10g
alcool à 60°: 50g
Mode opératoire: simple dissolution (râper le savon).
Utilisation: la teinture de savon peut s'utiliser comme émulsifiant(ex. les liniments) et pour faciliter le émoulage des ovules et suppositoiress dont l'excipient est le beurre de cacao".
Aussi succint qu'intrigant.
J'ai trouvé diverses formules de savon médicinal sur internet (mais pas dans mon livre). Dans une ancienne pharmacopée suisse (ed. 1865-73, rééditée en 1979) voir ici,
c'est une sorte de savon de Marseille (procédé à chaud, huile d'olive, alcool, chlorure et carbonate de sodium, eau, soude)
Selon d'autres sources, par exemple Un manuel des pharmaciens et des droguistes (1821, JC Ebermaier, traduit en français par Kapeler et Caventou, voir ici pour sa brève évocation)
il est juste à base d'huile d'amandes douces et de lessive de soude; il fallait le laisser reposer longtemps pour faire baisser sa causticité. On l'appelait aussi savon amygdalin.
Juste pour le rappel, c'est le français Eugène Chevreul qui élucida vraiment les mystères de la saponification en 1823. Avant, on savait faire, mais on bricolait…
J'ai aussi cherché des précisions sur la teinture de savon.
Elle entrait dans la composition d'un liniment antiseptique avant l'apparition du liniment oleo-calcaire.
J'en ai trouvé une autre formule (XIX° siècle) avec les mêmes proportions que jai données mais avec de l'alcool à 25°(voir ici)
Le plus intéressant, pour les détails, est dans le Journal de chimie médicale de pharmacie et toxicologie (1826, voir ici) avec de l'alcool à 33° une dissolution à chaud au bain marie avec la recommandation d'utiliser un savon blanc bien sec, sous entendu bien saponifié.
Pour mon test, j'ai choisi un savon très doux à l'aloes que j'avais fabriqué il y a déjà quelques temps (voir ici). Pour la dissolution un mélange de teintures alcooliques maison à 60°.
J'ai secoué le bocal avant la photo, d'où la mousse. On voit de légères particules sur les parois. Je pense qu'il faudrait filtrer. En fait, j'ai prélevé la teinture à la cuillère et j'ai eu un liquide homogène
soit:
10g savon à l'aloes râpé
50g d'un mélange de teinture d'hibiscus à l'hydrolat de rose à 60°et de teinture de rose centifolia et de résine d' encens (il s'agit en fait de deux macérations successives, d'abord teinture d'encens filtrée, puis pétales de rose macérées dans cette teinture) j'ai ajouté quelques gouttes supplémentaires d'alcool à 90°
J'ai légèrement chauffé au bain marie pour améliorer la dissolution. Comme j'ai utilisé de la teinture d'hibiscus (pas forcemment le meilleur choix!) ma teinture de savon est… marron.
J'ai fait des essais pour tester son pouvoir émulsifiant avec juste de l'huile et un hydrolat. J''ai choisi une phase aqueuse importante, la lotion a pris puis s'est déphasée… mais rephasée en secouant. J'ai ajouté plus d'huile, ça a mieux tenu. En relisant une fois de plus la formule, j'ai réalisé alors que cette teinture était conseillée pour les liniments (émulsion eau dans huile) Donc à retenter éventuellement avec une phase grasse importante.
Ce qui m'a le plus intéressée dans ces essais, ce sont les tests sur la peau: une grande sensation de glisse et de douceur à l'application, mais avec un peu de grassouillet pas tout de suite résorbé. J'ai donc décidé d'en incorporer à une recette, mais juste comme co-émulsifiant.
Yavaipluka
Je suis partie d'une de mes formules préféres pour les laits corporels, construite peu à peu à partir d'une crème pour coudes abimés (voir ici, je l'avais élaborée à partir d'une formule pour les mains de Michèle), réalisée en version plus fluide.
La phase huileuse se prépare à chaud, sinon, l'émulsifiant étant du gelisucre, tout se fait à froid.
Il a fallu choisir le % de teinture de savon. Comme il s'agissait d'un co-émulsiifiant, je me suis contentée de 1%.
Lait pour le corps à la teinture de savon
Phase A
5% beurres
3% cetyl esters
3% acide stéarique
2% alcool cetylique
5% coco fractionnée
8% huiles ou macérats huileux
Aox (anti oxydant)
Phase B
5% urée
26% eau
xanthane
Phase C
18% hydrolats
3% gel d’aloes ou de silicium
5% huile ou macérat huileux
8% gelisucre
Phase D
1 sea silk
2 D panthenol
2 teinture alcoolique
1 teinture de savon
0,5 conservateur
2,5% hE, extraits CO2 et elixirs
acide lactique
Mode de préparation
Faire fondre la phase A au bain marie (on choisit des huiles stables si on chauffe)
Faire tiédir l'eau avec l'urée pour mieux la dissoudre
Saupoudrer toute la surface du liquide avec de la xanthane (je ne pèse pas)
Attendre quelques minutes puis touiller.
Incorporer dans ce gel chaque ingrédient de la phase C en remuant à la cuillère magique après chaque ajout.
Verser ce mélange sur la phase huileuse et touiller assez longtemps.
Incorporer les ingrédients de la phase D les uns après les autres en remuant; j'ai donc ajouté la teinture de savon, comme mes autres teintures, à la fin. Comme à priori, elle est alcaline, penser d'autant plus à vérifier le pH et rectifier eventuellement avec un peu d'acide lactique pour avoir un pH de 5,5 environ.
le lait est un légèrement plus vert que sur la photo
Ma déclinaison pour 300g de lait vétiver-santal-patchouli
7 beurre macadamia
8 beurre avocat
9 cetyl esters
9 acide stéarique
6 alcool cetylique
39 macérats:
dont 18 thé vert-consoude chlorophylle dans coco fract
21 camomilles souci dans olive
15 urée
11 eau d’or
67 eau de glacier
xanthane saupoudrée
24 hydrolat menthe poivrée
10 hydrolat ciste
10 hydrolat camomille matricaire
10 hydrolat vetiver
9 gel d’aloes
15 huiles:
5 jojoba+ 10 macérat Mlk 3 menthes dans colza et carthame (merci ma belle, il sent très bon)
24 gelisucre
3 seasilk
6 D Panthenol
4 teinture de ciste
2 teinture palo santo dans rhum
3 teinture de savon
50ges geogard
En gouttes:
24gtes He carotte
24 HE camomille sud africaine diluée
30 HE camomille anglaise diluée
40 He lavande
24 HE thym géraniol
20 HE vetiver
12 HE patchouli
20 HE santal d'Ouvea (Catherine, je suis fan de ce santal au nez fumé)
15 gtes CO2 grenade
15 CO2 chia
10 gtes elixir de carotte sauvage
10 elixir de consoude
10 elixir d'emeraude
un peu d’acide lactique pour pH 5-6
un soupçon de chlorophylle liquide pour la couleur
Quelques précisions sur les choix (certains étaient déjà explicités dans la recette de la crème pour les coudes)
Ayant été séduite par la teinture de ciste dans le sérum 400, j'en ai mis un peu ainsi que de son hydrolat (on dit le ciste antirides… )
CO2 de grenade et de chia sont très antioxydants et inflammatoires (on peut en choisir d'autres). Comme anti inflammatoires, il y a aussi de la teinture de palo santo (arbre de la meme famille que l'encens, merci Malégria , ma pourvoyeuse en écorce de palo santo) , le macérat thé vert-consoude-chlorophylle, les camomilles présentes en macérat et en hydrolat.
Le parfum est très doux; difficile à isoler une note, peut être le santal.
La texture: j'ai conditionné surtout en flacon pompe. C'est un lait un peu gélifié, sans gras, ne laissant aucune trace blanche, mais particulièrement hydratant et apaisant. La différence avec la formule sans teinture de savon: une absorption plus rapide me semble-t-il et une plus grande "fraîcheur" sur la peau.
Je prévois d'autres essais.
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