Des plantes au parfum, des voyages, des inspirations culinaires ou botaniques
25 Septembre 2011
Didymes, en Turquie, fut un grand sanctuaire consacré au dieu Apollon. Une pythie y prédisait l'avenir comme à Delphes en Grèce, également dédiée à Apollon. Et comme à Delphes, la pythie de Didymes croquait du laurier avant de parler en état de transe…
Cette histoire m'a toujours intriguée car à ma connaissance, le laurier n'est pas un hallucinogène. Onparle dans les vieux textes de devins daphnophages ("mangeurs de laurier"). Peut être qu'en réalité, il éclaircissait et aiguisait les idées: les feuilles de laurier ont des propriétés excitantes… Leur mastication fait aussi saliver, ce qui devait contribuer à fluidifier la parole des pythies!
Le laurier est très présent à Didymes, c'est le seul temple où il est représenté stylisé en frises sur les monuments.
Plante originaire d'Asie Mineure, le laurier (laurus nobilis en latin) s'appelait et s'appelle encore Daphné en grec, du nom de la nymphe que coursa en vain Apollon tombé amoureux d'elle. J'aime beaucoup cet épisode de la mythologie. Apollon s'était moqué du Dieu Amour, lequel lui joua un mauvais tour. Il le transperça d'une flèche pour le rendre amoureux, tandis qu'il envoyait une autre flèche à Daphné pour qu'au contraire, elle ne puisse l'aimer. Courses effrénées dans les bois. Daphné supplia son père, également un dieu (des fleuves), ce qui facilite les tours de magie.
Récit de la scène et de la métamorphose selon Ovide (la citation est un peu longue, mais si belle et évocatrice… C'est une vieille traduction de 1806, voir ici):
" O mon père, secourez-moi ! ô terre, ouvre-moi ton sein, ou détruis cette beauté qui me devient si funeste" ! À peine elle achevait cette prière, ses membres s'engourdissent; une écorce légère presse son corps délicat; ses cheveux verdissent en feuillages; ses bras s'étendent en rameaux; ses pieds, naguère si rapides, se changent en racines, et s'attachent à la terre : enfin la cime d'un arbre couronne sa tête et en conserve tout l'éclat. Apollon l'aime encore; il serre la tige de sa main, et sous sa nouvelle écorce il sent palpiter un cœur. Il embrasse ses rameaux; il les couvre de baisers, que l'arbre paraît refuser encore : "Eh bien ! dit le dieu, puisque tu ne peux plus être mon épouse, tu seras du moins l'arbre d'Apollon. Le laurier ornera désormais mes cheveux, ma lyre et mon carquois".
Ce n'est pas Daphné, mais une belle inconnue ailée avec sa jupe en feuilles d'acanthe, on reste dans le végétal … (chapiteau à Didymes)
Depuis des années, je prépare des macérats huileux avec les feuilles de laurier. Je les fais au bain-marie à chaud dans de l'huile d'olive. Au fil du temps, j'ai affiné la technique. J'ai remarqué que si le laurier est trop frais, il crache trop d'eau, donc je le fais- à peine - sécher au préalable; je le déchiquète à la main et j'ajoute souvent des pétales de rose pour adoucir l'odeur et parfois du thé ou du rooïbos vert anti-inflammatoires. Car j''utilise ce macérat comme anti-inflammatoire. Pourtant en relisant les livres de phyto avant d'écrire cet article, j'ai découvert que ce sont surtout les baies qui ont cette propriété! Jean Palaiseul (dans: Nos grands mères savaient… livre de poche) donne ainsi une recette de macérat de feuilles fraiches+de baies sèches dans de la graisse de porc contre les rhumatismes.
Pourtant, mon macérat fonctionne très bien… j'en fais et j'en refais.
C'est une plante si banale et facile à trouver qu'on l'oublie parfois, pourtant, je la trouve vraiment efficace.
James A. Duke, l'ethnobotaniste américain dont j'aime beaucoup le livre de vulgarisation Le pouvoir des plantes (Marabout) cite le laurier pour lutter contre les migraines. Il suggère dans ce cas une infusion feuilles de laurier-grande camomille (tanacetum parthenium).
L'huile de baies de laurier utilisée dans les savons d'Alep vient souvent de Turquie, mais je n'ai pas eu le temps d'en chercher.
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