Des plantes au parfum, des voyages, des inspirations culinaires ou botaniques
24 Février 2022
Cartes de Bornéo et du Sarawak
15 avril 2004. L'avion qui descend lentement vers l'île de Bornéo survole une côte incroyablement plate. Une terre verte, un damier de plantations de palmiers à huile mêlé à la forêt primaire compose un spectaculaire tapis baroque. Comme d'étranges miroirs, des fleuves et des rivières ondulant s'étranglent dans d'infinis méandres. Nous atterrissons à Kuching, capitale du Sarawak, terre promise du poivre malais.
Charmeuse et gonflée d'énergie, la ville joue une séduction habile. Elle s’étire le long de la rivière Sarawak et présente dans un savoureux mélange, des références british, des temples chinois, des boutiques sous des arcades. Elle est hérissée d'immeubles et de grues qui illustrent le puissant dynamisme du territoire malais de Bornéo. Le Sarawak est pris d’une frénésie économique, sa vitalité extrême est aiguisée et soutenue par le pétrole et le gaz puisés dans la mer de Chine. La balade sur le Waterfront, l'exquise promenade qui longe le fleuve propose une autre visage, bien plus apaisant. Il offre le temps de songer à l'incroyable destin de James Brooke surnommé le Rajah Blanc. Né à Bénarès en 1803, cet aventurier anglais devint mercenaire du sultan de Brunei pour combattre les rebelles et les pirates qui écumaient la région. Comme récompense, il se vit offrir le Sarawak, cette terre alors inconnue peuplée de Dayaks qui avaient la fâcheuse réputation d'être des coupeurs de têtes irréductibles. Son règne débuta en 1841 et ouvrit la dynastie des Brooke qui dirigea le pays jusqu'en 1946. Infortune d'un roi sans couronne, l'Angleterre n'ayant jamais reconnu le Sarawak comme état indépendant. La balade permet aussi de découvrir la diversité de la population. Une majorité de Chinois, de Malais et des insulaires souvent réunis sous le nom de Dayaks composent un peuple mélangé qui donne son identité à la Malaisie.
Une visite aux marchés aux épices, alignement d'échoppes sous les arcades témoigne de la place centrale du poivre au Sarawak. Les chiffres viennent confirmer les premières impressions : 14 000 hectares de poivrières et une production annuelle d'environ 25 000 tonnes de poivre dont 90% sont exportés à raison de 80% de noir et de 20% de blanc. Seule difficulté, trouver les chemins des plantations.
Depuis Vasco de Gama, le poivre a entamé un long voyage vers l'Orient avec des Hollandais et des Anglais qui suivirent la route ouverte par les Portugais. En 1592, un siècle après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, une première flotte batave partait d'Amsterdam commandée par Cornelis de Houtman. Elle prit la route de l'est avec le projet de fonder un comptoir dans la région de Banten à l'extrême ouest de Java. Après une navigation mouvementée et un échec auprès du sultan de Banten, l'escadre finit par rejoindre Bali où De Houtman parvint à se procurer du poivre noir auprès du prince local. L'expansion hollandaise allait commencer... En cinq ans, soixante-cinq navires firent le voyage vers l'Indonésie. En 1600, les marins néerlandais atteignent le Japon, la Chine l'année suivante. La création de la Compagnie néerlandaise des Indes Orientales en 1602 annonce le déclin inéluctable du pouvoir de Lisbonne sur le commerce des épices. En une génération, les Hollandais chassent les Portugais de Ceylan, des Moluques et des îles Banda s'appropriant l'exclusivité du commerce des clous de girofle et de la muscade. Et finissent par prendre les Célèbes et Bornéo avant la fin du XVIIème siècle. A l'époque, le poivre n'est pas cultivé dans l'île. Selon les historiens, les premières plantations de poivre de Bornéo remonteraient à 1856 mais la culture intensive ne commença vraiment qu'au début du XXème siècle.
A propos de Bornéo
La partie malaise de Bornéo composée des états du Sarawak et du Sabah est économiquement bien plus développée que le Kalimantan, la partie indonésienne bien plus étendue. (Le richissime petit sultanat de Brunei se trouve sur la côte ouest). C'est néanmoins sur la côte sud-est du Kalimantan que l'Indonésie va développer sa nouvelle capitale Nusantara, Jakarta sombrant sous les pollutions de toutes sortes.
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