Des plantes au parfum, des voyages, des inspirations culinaires ou botaniques
17 Mars 2022
sechage du poivre à Phu Quoc. le port rincipal de Phu Quoc
Afin d'assurer une progression de la qualité, la Vietnam Pepper Association a eu la bonne idée de créer des indications géographiques pour des cultures de qualité. C'est le cas par exemple du district de Chu Se dans la province montagneuse de Giai Lai, récoltant jusqu'à 15 tonnes de poivre par hectare ainsi que de Phu Quoc, île située au sud-ouest des côtes vietnamiennes.
Poivre de Phu Quoc juste récolté
Phu Quoc, île des hautes frondaisons et des sources resta longtemps quasiment déserte. Les chroniqueurs rapportent qu'elle recevait seulement la visite des pêcheurs. Une monographie de l'île parue en 1908 relate : "la pêche des sangsues de mer que l'on trouve en abondance au large et sur les bans en face de Bài Dôt avait fait l'objet dès les temps les plus reculés d'une compétition entre les Chinois et les Annamites." De 1782 à 1786, Phu Quoc devint le refuge de Gia Long, le premier empereur du Vietnam. Les Français y débarquèrent en 1869. Ils plantèrent du caoutchouc et des cocotiers. Quant au poivre, installé par les Chinois du Hainan depuis le XIX ème siècle, il était déjà présent. Phu Quoc est surtout connue pour la qualité de son nuoc mam, qui possède une IGP (indication géographique protégée). La base de cette sauce est constituée de petits poissons cousins de l'anchois appelés ca com. A Duong Don, le long de la rivière mais aussi à An Thoi, des usines préparent la fameuse sauce selon la méthode traditionnelle. Les poissons sont mis à fermenter dans des cuves de bois blond maintenues par des cordes de rotin tressé. On utilise du laurier à suif, bois local donnant la couleur brune au liquide. Les ouvriers alternent couches de poisson et sel à raison de 3 parts de poisson pour une de sel. L'ensemble peut macérer jusqu'à un an. Le premier jus est le meilleur, c'est le nuoc mam nhi, au goût magnifique, à la fois salé et iodé. Dans certaines préparations, on ajoute du poivre pour corser la sauce.
Un futur récoltant de poivre?
Est-ce du retard au démarrage ? L'île a conservé une atmosphère lénifiante et conjugue la vie à l'imparfait. Bien entendu, le tourisme a mis le pied sur une côte de rêve mais il reste encore discret. Quelques hôtels et resorts se sont ouverts au sud de Duong Don, au bord d'une mer tropicale qui voit se coucher les plus beaux soleils du monde. Il suffit de prendre les routes et les pistes qui parcourent l'île pour retrouver une Asie de rêve avec l'impression étrange et exquise de remonter le temps. La campagne déroule des paysages ondulants dans une nature libre et exubérante. La retour des pêcheurs au port de Hân Ninh sur la côte orientale demeure un étonnant spectacle. L'avenir semble moins sûr, les autorités vietnamiennes ont fourbi des plans qui devraient faire entrer Phu Quoc dans le tourisme planifié du XXIème siècle. Resorts, complexes hôteliers, club de vacances, golfs... Tout est dans les cartons. Arrivée prévue du cataclysme ? 2012. L'île en forme de poisson dominée par le mont Chua qui culmine à 603 mètres risque de ne jamais s'en remettre.
Impossible de manquer les poivrières de Phu Quoc. Les plants prennent la forme de hautes cheminées, des formes oblongues parfaitement dessinées. Cinq lianes s'enroulent autour de chaque tuteur de bois sec jusqu'à le faire disparaître. L'alignement des rangs est parfait, révélant une terre ocre et légère. Elle volète et tâche les vêtements quand on y roule dessus en scooter. Autour, papayers, arbres gigantesques et au loin, un horizon modulé par le moutonnement des montagnes. Ici, la récolte s'apparente à un défilé de mode. Des femmes en pantalons de soie et longues tuniques, le visage disparaissant sous leurs chapeaux de paille en forme d'accent circonflexe sont juchées sur des escabeaux pour attraper les précieuses grappes. Les couleurs vives des tenues, pleines d'éclat dans ces tunnels de vert, l'élégance naturelle des femmes donnent beaucoup d'allure à la cueillette. Le poivre encore vert avec quelques grains rouges est rassemblé dans de grands paniers en vannerie. Le travail se fait en famille, jeunes ou vieux, tout le monde participe, créant l'animation autour de jolies maisons de bois sur pilotis.
Première étape, l'éraflage, l'opération qui sépare les grains de la rafle. Dans certaines fermes, les grappes sont déversées dans des demi barils, et piétinées pour briser le lien qui retient les baies. Le progrès, ce sont des érafleuses mécaniques, un système de roues dentelées qui tournent à l'huile de coude. Le séchage demeure le plus naturel du monde : au soleil, sur des bâches de plastique. Ensuite, le poivre sera trié sur les terrasses prolongeant les maisons avant d'être vendu à un ramasseur. Fraîchement séché, le poivre noir de Phu Quoc est magnifique: de couleur brun foncé, sa pellicule gorgée d'huile est brillante comme les meilleures capes des puros de La Havane. Très équilibré, il réunit arômes et puissance. A des parfums boisés mêlés à des notes d'encens, il ajoute une saveur chaude et merveilleusement épicée. Il a reçu une indication d'origine sous le nom de "poivre de Phu Quoc".
Les poivriers qui couvrent une surface de près 1000 hectares sur les 574km2 que compte l'île donnent près de 1000 tonnes de poivre par an. A la fin de la guerre du Vietnam au début des années 1970, on ne comptait qu'une centaine d'hectares dédiés à la culture de l'épice. Les plantations se situent dans le nord de l'île, autour de l'embouchure des rivières Cua Can et Cua Lap et dans la région de Khu Tuong. La découverte de poivrières impeccables cache une réalité beaucoup plus dure. Comme à Madagascar ou comme sur l'île indonésienne de Bangka, la production demeure fluctuante. Il suffit que les prix payés aux paysans baissent pour que de cultivateurs, ils deviennent pêcheurs. C'est ce qui s'est passé en 2001 quand les cours du poivre se sont effondrés. Attendant des jours meilleurs, les planteurs ont emprunté et,ne pouvant rembourser, ont dû vendre leurs terres. On parle de plus de 500 poivrières disparues dans la tourmente. Bien entendu, les producteurs n'ont jamais droit au chapitre en matière de prix. "Ce sont les gens de Saïgon qui viennent et qui fixent les prix" se plaignent les paysans impuissants.
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